L’Afrique en 2040 : un continent à ne plus ignorer dans une stratégie patrimoniale de long terme
Macroéconomie

L’Afrique en 2040 : un continent à ne plus ignorer dans une stratégie patrimoniale de long terme

L'équipe Odin10 novembre 2025
5 min de lecture
Cet article montre pourquoi l’Afrique ne peut plus être ignorée dans une stratégie patrimoniale de long terme. Démographie explosive, urbanisation rapide, émergence d’une classe moyenne, révolution du mobile, besoins massifs en énergie et infrastructures : le continent devient un moteur structurel de croissance. Pour un investisseur privé européen, il s’agit d’intégrer une exposition mesurée via des fonds spécialisés, en assumant un horizon d’investissement d’au moins dix ans et une approche rigoureuse des risques.

Quand on parle d’allocation géographique, les portefeuilles restent largement concentrés sur les États-Unis, l’Europe et, parfois, une poche Asie émergente. L’Afrique, elle, est presque toujours absente. Pourtant, les chiffres sont sans ambiguïté : d’ici 2050, le continent comptera 2,5 milliards d’habitants, soit un quart de la population mondiale, et accueillera 450 millions de nouveaux entrants sur le marché du travail d’ici 2035 selon la Banque mondiale. En parallèle, les investissements étrangers progressent fortement, avec 83 milliards de dollars d’IDE en 2022, en hausse de 35 % sur un an.

Autrement dit, l’Afrique est déjà une réalité économique majeure. La question n’est plus de savoir si elle comptera dans le paysage mondial, mais de comprendre comment y être exposé intelligemment, et à quel niveau, dans une stratégie patrimoniale.

Une démographie et une urbanisation qui changent l’échelle des besoins

L’Afrique est aujourd’hui le seul continent où la population continue de croître rapidement. Plus de 60 % des Africains ont moins de 25 ans. Cette jeunesse massive est à la fois un défi et un formidable potentiel. Elle crée des besoins considérables en éducation, en santé, en emploi, en logement, en infrastructures.

L’urbanisation suit le même mouvement. Environ 40 % des Africains vivent aujourd’hui en ville ; ils devraient être plus de 50 % d’ici 2040. Des métropoles comme Lagos, Kinshasa, Nairobi ou Abidjan se transforment à vue d’œil. Ce basculement vers les villes entraîne une demande structurante en transports, en énergie, en immobilier, en services financiers, en commerce.

Pour un investisseur de long terme, cette combinaison démographie plus urbanisation n’est pas un simple décor macroéconomique. C’est un moteur de croissance prévisible, qui soutient certains secteurs de manière structurelle, indépendamment des cycles conjoncturels occidentaux.

Une classe moyenne émergente et une consommation en mutation

Parallèlement, une classe moyenne africaine est en train de se constituer. Selon certaines études, la consommation des ménages africains pourrait atteindre 2 500 milliards de dollars d’ici 2030. Elle ne se limite plus aux biens de première nécessité. Équipement du foyer, services financiers, santé, éducation, loisirs, digital : la demande se diversifie et se sophistique.

Le e-commerce se développe rapidement, avec des modèles adaptés aux réalités locales. Les plateformes intègrent le paiement mobile, la livraison flexible et des offres de financement en plusieurs fois. Cette montée en puissance de la consommation interne soutient des entreprises locales dans la distribution, les télécoms, les services numériques et le secteur financier.

Pour un investisseur patrimonial, cela signifie qu’il existe désormais en Afrique un tissu d’entreprises orientées marché domestique, pas uniquement tournées vers l’export de matières premières. C’est un changement important : le continent n’est plus seulement un fournisseur de ressources, mais un marché de consommation à part entière.

La révolution numérique et le leadership du mobile

L’un des aspects les plus sous-estimés du continent concerne la technologie. L’Afrique est devenue, en quelques années, un laboratoire mondial de l’innovation mobile. Plus de 600 millions de personnes possèdent un téléphone portable et près de 500 millions ont accès à Internet.

Dans la finance, le paiement mobile a pris une avance considérable. En 2022, le volume des transactions mobiles en Afrique a dépassé 700 milliards de dollars. Des solutions comme M-Pesa au Kenya ou Wave en Afrique de l’Ouest permettent à des millions de personnes d’accéder à des services bancaires de base sans compte bancaire classique. Ce modèle, né de contraintes locales, est aujourd’hui observé et parfois imité dans d’autres régions du monde.

Au-delà des fintechs, l’éducation en ligne, la cybersécurité, les plateformes de services et, progressivement, l’intelligence artificielle appliquée à la santé, à l’agriculture ou à la logistique, ouvrent un champ d’investissement important. La jeunesse du continent, sa familiarité avec le smartphone et l’absence de systèmes anciens à démanteler favorisent l’adoption rapide de ces solutions.

Énergie, agriculture, infrastructures : trois piliers de long terme

Le besoin d’investissement dans les énergies renouvelables est considérable. L’Afrique dispose d’environ 60 % du potentiel solaire mondial, mais une partie importante de la population n’a toujours pas accès à l’électricité. Les mini-réseaux solaires, les parcs photovoltaïques à grande échelle, les solutions de stockage et certains projets hydroélectriques occupent une place croissante dans les plans de développement nationaux.

L’agriculture et l’agro-industrie constituent un autre axe majeur. Près de 60 % de la population active africaine travaille dans l’agriculture, qui représente environ 20 % du PIB du continent, alors même que l’Afrique importe encore une part importante de ses denrées alimentaires. Avec plus de 60 % des terres arables non exploitées de la planète, le potentiel de montée en gamme est immense. La modernisation des pratiques, l’irrigation, la logistique et la transformation locale des produits peuvent, à long terme, modifier profondément la structure économique.

Enfin, les transports et la logistique restent un gisement d’investissement massif. Un réseau routier souvent incomplet, des infrastructures ferroviaires à moderniser, des ports à agrandir, des plateformes logistiques à créer… Le besoin est partout. Des acteurs privés, parfois sous forme de start-up, optimisent déjà les flux de marchandises grâce à des plateformes numériques. Les projets de smart cities et de nouvelles zones urbaines planifiées illustrent cette volonté d’accompagner la croissance plutôt que de la subir.

Comment un investisseur patrimonial peut-il s’exposer à cette dynamique ?

Pour un investisseur privé européen, l’Afrique ne se traite évidemment pas comme un marché domestique. L’objectif n’est pas de choisir un titre coté à Nairobi ou Lagos, mais d’accéder au continent via des véhicules diversifiés et régulés.

Concrètement, l’exposition passe le plus souvent par des fonds émergents incluant une poche Afrique, par des fonds spécialisés sur certaines régions (Afrique de l’Est, Afrique francophone, pan-africains), ou par des ETF ciblés sur les marchés frontières ou africains, lorsque la taille des encours le justifie.

Il s’agit d’une poche satellite dans un portefeuille global, dont la taille reste proportionnée au profil de risque et à l’horizon de placement. L’idée n’est pas de transformer un portefeuille en pari sur l’Afrique, mais d’introduire une composante de croissance structurelle et de décorrélation modérée par rapport aux marchés développés.

Les risques à ne pas ignorer

Investir sur le continent exige une lucidité certaine sur les risques. Les infrastructures restent parfois fragiles, les cadres réglementaires évolutifs, la liquidité des marchés financiers limitée et les risques politiques non négligeables dans certains pays.

C’est précisément pour cela qu’une approche indirecte, via des gérants professionnels spécialisés, est souvent préférable à une sélection individuelle de titres. Ces gérants ont la capacité d’ajuster l’exposition par pays, de sortir de certaines zones en cas de tension, et d’arbitrer entre secteurs et devises en fonction des cycles locaux.

Dans un portefeuille patrimonial, cette poche doit être assumée comme une exposition de long terme, avec un horizon d’au moins dix ans, intégrée dans une réflexion globale sur la part allouée aux marchés émergents.

Notre conviction

Chez Odin Capital, nous considérons que l’Afrique représente l’un des grands moteurs de croissance de la première moitié du XXIᵉ siècle. Démographie, urbanisation, transition énergétique, révolution mobile : les tendances sont structurelles, visibles, et déjà à l’œuvre.

Ignorer ce continent dans une stratégie de long terme revient à accepter un angle mort dans l’allocation géographique. À l’inverse, une exposition mesurée, construite avec des partenaires spécialisés et pensée dans la durée, peut apporter au patrimoine une source supplémentaire de croissance et de diversification.

Comme toujours, il ne s’agit pas de céder à une mode, mais de reconnaître une réalité : l’Afrique de 2040 ne sera plus un marché périphérique. Elle fera partie intégrante de l’équilibre économique mondial.

Article rédigé par César Durantin.